Journal étudiant de la PHYSUM

Opinion

J'aime pas le MIL

par Cédric Médiavilla-Rivard

MIL: pas bon

Jamais l’expression « les contraires s’attirent » n’aura été plus vraie qu’au MIL, le lieu de toutes les contradictions. La nature s’y oppose au froid métal, le calme s’y oppose à la tempête, l’amour s’y oppose à la haine et l’intelligence s’y oppose à la stupidité. Les architectes, en le construisant, érigèrent la parfaite insulte à ceux qui allaient y vivre : on y vend des cyclones aux météorologues, l’obscurité aux illuminées, la mort à ceux qui célèbrent la vie et les chimistes s’y sentent à l’aise. Comment a-t-on pu croire que l’élite intellectuelle qui s’y meut allait tolérer l’insoutenable état des lieux ? Dans ce texte lourd de vérité seront mis au premier jour les fautes impardonnables dont nous subissons les conséquences lugubres quotidiennement. Karma’s a bitch, you shoulda known better...

Faux-ton

J’adore la lumière du soleil et je ne pense pas être le seul. Des Aztèques aux Beatles, tous semblent apprécier la douce caresse des photons sur leur peau meurtrie par la réalité crue et antagoniste. Rien ne me rassure autant face à l’inévitable échec de notre existence futile dans un monde hargneux qui commercialise le moindre échange humain que la vision réconfortante d’un rayon de chaleur perçant les nuages tel l’amour d’une mère lors de ma journée la plus sombre. En voyant le MIL de l’extérieur, tous devaient croire en le même mensonge que moi : cet endroit couvert de verre sera le foyer d’études brillantes de par leur contenu savant et leur haut taux de mélanine.

Au cas où, je vous le rappelle. Le seul intérêt que propose le verre lors de la construction d’un bâtiment est sa principale caractéristique : la transparence. Je m’attendrais ainsi à ce que ce matériau coûtant 7500$[1] le mètre carré soit exploité adéquatement par l’aménagement du bâtiment. Oh combien fut grande ma déception lorsque je visitai ma première salle de cours complètement exempte de fenêtre ! Oh combien fut grande ma déception lorsque je visitai ma deuxième salle de cours complètement exempte de fenêtre ! Ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui. Il faut croire que la ridicule histoire de l’élève distrait par le paysage avait encore de l’emprise sur les cerveaux pourris qui bâtirent ce sarcophage qu’on appelle une école. Comment l’idiotie de mettre une boîte en fer dans une boîte en verre a pu être approuvée ne cessera jamais de me tourmenter, moi, pauvre élève errant sans lumière dans l’obscurité du cours de mécanique...

Vent-gence

Heureusement, les vitres qui tapissent toutes les faces du MIL servent aussi à d’autres fonctions, comme m’aveugler avec trois soleils lorsque j’emprunte la passerelle menant à la station Acadie. C’est pourtant loin d’être le seul souci de cette damnée passerelle. Peut-être avez-vous vu dans une autre édition du journal un article amusant à propos de la diffraction du son. Je suis ici pour rectifier le tir : cette passerelle n’est pas amusante et rien de positif ne peut en sortir. C’est une construction dont les plans sont basés sur les concepts affreux de la tristesse, du dégoût, de la colère et de la mécanique des fluides. En concevant cette partie du MIL, les architectes ont réfléchi à la meilleure façon de rediriger toutes les particules composant l’air du grand Montréal directement dans ma figure. L’espace entre les pavillons A et B n’est pas une aire de repos : c’est un ring de combat sans règle et sans scrupule où chacun doit affronter en quatre contre un Borée, Euros, Zéphyr et Notos. Le vent écorne les bœufs, décoiffe, arrache la peau et les dents, assèche les yeux, gèle le cœur et tue le moindre espoir. Il rend également l’ouverture de certaines portes pratiquement impossible et très dangereuse. Avant de construire deux murs verticaux parfaitement lisses, il aurait été judicieux de consulter une physicienne ou un météorologue. Mais où se cachent-ils donc lorsqu’on a besoin d’eux ?

Nah-ture

Ils ne se cachent très certainement plus dans les hautes herbes et les buissons puisque ces derniers semblent être chassés tels des bisons au XIXe siècle. Chaque jour, un arbre est abattu et à sa place est érigée une cruelle tour de béton, telle une écharde plantée sur la surface de notre verte terre. Le gris semble triompher sur le vert, vouant notre espèce à devenir daltonienne suite à la mort de toutes les couleurs. Cette croissance sans fin, hargne quasi freudienne contre notre Mère Nature, aura comme victoire l’ablation totale de la verdure qui nous garde en vie. Ensuite seulement pourrons-nous nous éteindre lentement, privés d’oxygène. Le peu de bois qui nous reste servira à fabriquer nos cercueils.

Étant un spectateur impuissant de cette tragédie qui s’écroule devant nos yeux, je ne peux que réagir en chérissant toute forme de nature survivant à la folie des hommes. Particulièrement à Montréal, le moindre carré de pelouse est en soi un trésor dont la préservation, bien que futile, est capitale. Travailler dans un parc, entouré de la rassurante présence des plantes, ces amis qui ne nous trahiront jamais, est une expérience universelle. Le MIL, étant cet immonde concept fourbe et sadique, ne pouvait s’empêcher de nous torturer sous cet angle également. Après le mensonge de la lumière, celui de la chlorophylle : un magnifique jardin au centre du bâtiment, dont l’accès est interdit. Oh belles sont les grasses feuilles de cette végétation luxuriante ! Oh cruelle est la froideur du mur vitré qui circonscrit notre présence à un intérieur vide et mort ! Et si ce n’est pas par haine, pourquoi cet endroit nous est-il interdit ? La raison pourrait être l’incompétence : ce jardin n’a pas assez de points d’accès pour être sécuritaire. Si seulement quelqu’un s’était informé des règlements...

Méli-mélo

Rien ne me rend aussi malheureux que le MIL. Voici donc d'autres échecs mineurs de ce bâtiment :

  • Les escaliers sont introuvables dans le pavillon B ;
  • Il y a littéralement un fantôme qui hante le MIL[2] ;
  • Deux des cafés étudiants sont enfouis dans un coin sombre ;
  • La structure orange qui ressemble à une glissade n'est pas une glissade;
  • Les portes sont aléatoirement barrées ;
  • Certaines classes surchauffent et créent des courants d'air qui rendent impossible la fermeture des portes ;
  • Il existe un mur d'araignées qui est couvert d'araignées et de toiles ;
  • Le salon ÉRIC FILTEAU ;
  • Le nom du MIL provient du mot « milieu » parce que le campus est au milieu de Montréal. Avez-vous déjà vu un nom moins intéressant que ça ?

Conclusion

Dieu créa la lumière ; le MIL lui cracha au visage.
Dieu créa l’air pur ; Le MIL lui cracha au visage.
Dieu créa la nature ; Le MIL lui cracha au visage.
Dieu en eut donc assez et créa la tristesse ; le MIL le remercia de tout cœur.

C’était déjà écrit dans les Saintes Écritures. Le destin s’est simplement accompli. L’Histoire est en marche et je ne peux l’arrêter. Je ne peux que pleurnicher, impuissant face au mal qu’incarne le pavillon des sciences. Si je dois mourir sur cette maudite terre, celle qui héberge contre son gré la source de tout mal, ce sera en ayant hurlé aux cieux mon désaccord profond. Si mes actes sont forcés d’être en interaction avec ce bâtiment que j’exècre, sachez que mon esprit ne pourrait être davantage en dissonance. Je rejette par ces mots le concept du MIL ; c’est avec forts regrets que je me plie à son implacable réalité. Mais sachez que si vous me voyez dans ce pavillon, ce sera de corps seulement. Mon esprit féroce attendra patiemment hors du bâtiment, refusant sa proximité toxique.

[1] Blâmez les correcteurs si cette information est fausse.
[2] Voir la première édition du journal, Enquête : des événements surnaturels surprenants survenus au campus MIL